Reisen ins Carloland

Über den Umzeichner Carlo Schmitz

Henning Marmulla, Juni 2023

  • Carloland. Hühner, Schweine, Rinder. Wolken, Felsen, Bäume. Oben, unten. Groß, klein. Gesichtslose Mäuler, deren Hunger unstillbar scheint, zertretene Figuren, blinde Wesen, gehirnlose Lemminge. Regen, Sonne, Nebel. Guillotinen, Fleischwölfe, Zurichtungsmaschinen. Ein Land, das so gar nicht dem entspricht, was Tourismusexperten in die Druckerpresse schicken. Carloland. Unser Land. Carloland. Erschaffen von einem Meister der Empörung, der als einziges Mittel seinen Pinsel braucht.

    Einen schlechten Tag hat Carlo, wenn es ihm gut geht. Dann kommt nichts aus ihm heraus. Bei guter Stimmung sind die Grenzen dicht zum Carloland. Doch ein Blick in die Tageszeitung genügt, und der Ärger kommt hoch. Lo wierklech ?, fragt er sich. Geet et ? Neen ! ! ! So stelle ich mir den Anfang eines jeden Bildes vor.

    Sein Blick kreist über Luxemburg wie ein Helikopter. Mal steigt er hoch, um das große Ganze zu sondieren, um dann wieder ganz tief über den Details zu fliegen. Landschaften und Figuren geraten in seinen Blick. So verschafft er sich den Überblick, den er braucht, um seine visuelle Kritik zu formen. Dann landet der Pilot, nimmt den Pinsel zur Hand und zeichnet das Gesehene. Das Bild als Kritik.

    Jedes Unrecht, jeden Machtmissbrauch, jeden falschen Heroismus, jede Lüge ; all die Verwerfungen, all die Phrasen, all die Blubberblasen, all die falschen Visagen : Er zeichnet sie nicht ab, er zeichnet sie um. Seine Umzeichnungen Luxemburgs haben in den letzten fünf Jahrzehnten dieses faszinierende Carloland gebildet, in das ich immer wieder gerne reise, weil es mir die Dinge hinter den Dingen zeigt.

    Carlos Bilder sind nie didaktisch, weil er das Didaktische hasst. Und er kennt es gut, als Lehrer hat er es erlebt und überwunden. Seinen Bildern liegt kein Lernziel zugrunde, auch keine Moral. Er zeichnet Luxemburg um, damit wir sehen, wie es ist. Carloland hat keine Utopie, keinen Gegenentwurf. Das Bessere, das Mögliche, das müssen wir selber zeichnen. Den faulen Betrachter lehnt Carlo ab, er erteilt uns den Auftrag zum Selberdenken.

    Ins Visier geraten ihm die Mächtigen ; insbesondere die, die ihre Macht missbrauchen. Aber auch die kopflosen Hühner, die glauben, was man ihnen eintrichtert, die ohne nachzudenken folgen, die bei Aufklärung höchstens an den Biologieunterricht denken. Manchmal frage ich mich, wen er mehr verabscheut : den lügenden Politiker oder das gläubige Huhn?

    Seinem ganzen Schaffen – als Prozess und als Resultat – liegt ein leidenschaftlicher Freiheitsbegriff zugrunde, der ihn fast schon manisch antreibt. Die Freiheit des Gedankens, die Freiheit des künstlerischen Ausdrucks, die Freiheit zu kritisieren : Wer da als Zensor, egal ob von links oder rechts, von oben oder unten, ansetzt, der kriegt eins mit dem Pinsel drüber. Kein Wort, keinen Strich will Carlo sich verbieten lassen. Auch er verbietet nichts. Er kritisiert. Aber zur Kritik gehört die Freiheit. Sonst ist sie bloß Schauspiel. Deshalb gehört der Kritiker weder Partei noch Bewegung an. Freischwebend, freier als die Vögel.

    Von Batty Weber kolportiert, wenn auch nie nachgewiesen, soll ein anderer mit spitzer Feder, Dicks nämlich, sich zweifach duelliert haben. Carlo duelliert sich täglich. Und, ich stelle mir vor, er kämpft auch mit sich selbst. Das ist gut so, denn nur so bleibt er frei auch von eigenen Gewissheiten, die er genauso verabscheut wie die der anderen.

    Nächstes Jahr wird Carlo 65. Ans Aufhören denkt er nicht. Ich verstehe seinen jüngsten Streich auch als Versprechen : Denn das ist nicht nur Dicks, den wir auf der Flasche sehen. Es ist auch nicht nur ein Abgeordneter aus dem Vulleparlament, über den Dicks herzieht. Es ist auch Carlo, der noch mit maskiertem Schnabel ins Tintenfass stößt, um Carloland weiter auszubauen. Dabei wächst ihm ein bunter Schwanz. So ein Pfau hat noch viel vor. Carlo ass a bleift e Bildmates. Zum Glück !

Net just Karikaturen...

Les dessins de Carlo Schmitz mis en perspective

Christian Mosar, FORUM, Décembre 2013

  • Quand Carlo Schmitz a commencé à publier ses dessins dans l'hebdomadaire de la Revue et dans le mensuel forum, Pol Leurs y dessinait régulièrement des pages de couverture. C'était aussi la grande époque des dessinateurs comme Claude Serre dont le style de dessin très précis à la recherche de réalisme et basé sur un système de hachures était comme un rappel des techniques de gravure anciennes. Serre a rendu populaire le goût d'un humour noir lié aux affres de la vie quotidienne, allant des déboires avec les médecins aux excès de la bouffe. Cette noirceur allait être reprise, également vers cette époque, dans la série des Idées Noires d'André Franquin, qui excellait dans le goût du sarcasme macabre. Carlo Schmitz a grandi, en tant que dessinateur à cette époque, au milieu des années 70, où les trente glorieuses en avaient pris un coup sérieux où l'absurde revenait comme la pointe d'un iceberg englouti. La crise du pétrole, celle de l'acier, celle d'une écologie menacée par la pollution et la prolifération des centrales atomiques et les marées noires ont marqué ces années-là. C'était également l'époque d'un Luxembourg qui venait de faire l'expérience d'un gouvernement dont le Parti chrétien-social était exclu pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale.

    Pour Carlo Schmitz, il y a actuellement un retour des choses qui peut faire sourire.

    À ce moment, Pol Leurs se situait dans la lignée d'un Claude Serre, alors que Romain Lenertz commençait à développer son style intelligent et méchant qui a marqué, plus tard, les meilleures pages du Feierkrop. Il y eut aussi Guy Stoos, qui dans son style d'une ligne claire détournée, matérialisait un engagement politique et social hors pair, déjà à partir de 1974.

    Carlo Schmitz arrivait donc à un moment où la caricature au Luxembourg s'était faite une réputation médium critique et indépendant. Cette volonté d'indépendance, on la retrouve aussi dans le choix que Carlo Schmitz fait, lorsqu'il a décidé d'aller faire des études à l'Académie royale des beaux-arts à Bruxelles pour y retrouver l'esprit des narrateurs d'histoire tels Hergé, Brel, Bruegel et les primitifs flamands. Comme pour beaucoup de Luxembourgeois qui ont eu l'occasion de faire des études à l'étranger, ces quelques mois passés à Bruxelles lui ont permis de s'évader d'un pays dont la société n'était certainement pas celle à laquelle aspirait un artiste en pas celle à laquelle aspirait un artiste en devenir.

    Carlo Schmitz a terminé ses années de lycée au moment où la Section E (section artistique) a été créée par des professeurs d'éducation artistique engagés. Quand il a décidé de partir, le nouveau laboratoire des arts plastiques n'avait même pas encore commencé sa phase-test. C'est après ses débuts à Bruxelles que Carlo Schmitz va se décider à continuer ses études à l'Institut d'arts plastiques de l'université de Strasbourg. Ce changement lui a permis d'accéder à la carrière de professeur d'éducation artistique dans l'enseignement secondaire luxembourgeois. Depuis, Carlo Schmitz n'a cessé d'éduquer, de dessiner et de se révolter. Cette révolte se lit dans un trait de dessin aussi aiguisé que, parfois, chancelant. On dirait que Carlo Schmitz voit parfois l'école institutionnalisée comme le symbole d'une société mesquine et injuste, tel qu'on la retrouve cristallisée dans les dessins du britannique Gerald Scarfe, qui avait en 1979 éternisé les personnages aussi terrifiants que ridicules du Wall des Pink Floyd.

    Les années passées aux alentours de la Grand-Place à observer et à faire partie de ce monde où art gothique et Belle Époque se sont mélangés, Carlo Schmitz a développé cette idée qu'un dessin « juste » peut avoir une influence sur ses spectateurs.

    L'idée qu'un dessin peut être plus qu'humoristique, qu'une image critique va au-delà de la bonhomie de beaucoup de caricatures, était devenue une motivation à continuer le travail.

    Un travail de dessinateur s'est organisé depuis autour du concept de la nature humaine et de ses grands et petits défauts; cette évolution a également été marquée par une réduction progressive des moyens plastiques, une plume pointue générant un trait incisif et un goût pour la radicalité du noir sur blanc.

    Avec ce peu de choses, Carlo Schmitz réussissait à nous montrer le détail du capharnaïm de la vie quotidienne.

    Les personnages de Carlo Schmitz ont une caractéristique singulière: d'abord ils ont perdu leurs visages, ensuite leurs têtes se sont rétractées, puis elles ont disparu complètement. Il reste ces corps sans têtes, animés par des réflexes plus que par des réflexions, que l'on trouve par exemple dans le conte illustré de The Hoogen-Stoogen Tulp (version originale anglaise) qui vient de sortir aux Éditions Guy Binsfeld.

    Il y a toujours eu quelque chose du père Ubu dans les personnages dessinés par Carlo Schmitz: une physionomie réduite, une anatomie déformée, souvent ridicule, absurde, mais aussi attachante par sa simplicité. Cette position d'un dessinateur qui réduit son trait à l'essentiel trouve aussi ses racines dans le travail de François Didier (Diti), dont l'œuvre graphique a été une influence marquante pour Carlo Schmitz.

    Mais il y a aussi l'ombre de Daumier qui plane sur tout ce travail, qui ne cesse de mettre en question les conventions sociales, les mariages convenus entre l'envie et la paresse, en remettant du réalisme social dans ce dessin de Carlo Schmitz, qui utilise l'arme humoristique pour mettre à nu les faiblesses des minables et des grandiloquents.

    La collaboration avec l'auteur Robert Schofield, pour les illustrations de son conte de la Hoogen-Stoogen Tulp, constitue une nouvelle étape dans le travail de Carlo Schmitz.

    À la suite du succès de Duda - Kurioses aus dem Rot-stiftmilieu, l'éditeur Binsfeld lui avait demandé de traduire en images ce conte pour enfants, sans que le dessinateur ne connaisse l'écrivain au préalable. Le résultat de cette commande est une histoire sur l'avidité humaine et les caprices du destin. Et les dessins de Carlo Schmitz reprennent cet humour traduit par la déformation de l'anatomie et le côté grotesque des personnages.

    L'histoire du cultivateur Jan Hoogen-Stoogen, de sa fille Sarah et de l'incroyable tulipe noire se lit, mais surtout se regarde comme une métaphore d'une faiblesse humaine des plus actuelles.